illustration actualités juillet-août 2019

JURISPRUDENCE

Utilisation de données personnelles numériques

En vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut pas avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve. Toutefois, ayant constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook du salarié, la cour d’appel a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal. Par ailleurs, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Dès lors, si la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook du salarié, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de l’intéressé, cette atteinte était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-12.058 FS-PBRI).

 

REPRISE PARTIELLE OU TOTALE DE CONTRAT DE TRAVAIL

Il résulte de l’article L 1224-1 du Code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que, lorsque le salarié est affecté tant dans le secteur repris, constituant une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d’activité non repris, le contrat de travail de ce salarié est transféré pour la partie de l’activité qu’il consacre au secteur cédé, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraîne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive. Doit donc être cassé l’arrêt qui, après avoir retenu que le salarié, consacrant 50 % de son activité au secteur transféré, n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions dans ce secteur, juge que l’ensemble du contrat de travail devait se poursuivre avec le cédant (Cass. soc. 30-9-2020 n° 18-24.881 FS-PBRI).

 

DENIGREMENT SUR FACEBOOK

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié pour avoir dénigré l’entreprise notamment sur une page de son compte Facebook accessible au public, dès lors que la cour d’appel a fait ressortir que les messages diffusés par l’intéressé ne contenaient pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs visant explicitement l’employeur (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-10.123 FS-D).

 

DELAI DE MISE A PIED CONSERVATOIRE ET FAUTE GRAVE

Ayant constaté qu’un délai de 13 jours s’était écoulé entre le prononcé de la mise à pied conservatoire et la convocation du salarié à un entretien préalable à licenciement, et sans relever aucun motif justifiant un tel délai, la cour d’appel ne pouvait pas dire le licenciement fondé sur une faute grave (Cass. soc. 18-25.565 F-D).

 

ACCEPTATION DE MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Ayant constaté, d’une part, une baisse de la rémunération ce dont il résultait que la modification du contrat de travail nécessitait l’accord exprès du salarié et alors, d’autre part, que l’intéressé avait protesté postérieurement à sa prise du nouveau poste, amenant l’employeur à lui maintenir pendant les premiers mois le salaire antérieur, puis avait refusé de signer l’avenant à son contrat de travail, la cour d’appel aurait dû en déduire l’absence d’acceptation expresse et non équivoque du salarié à une telle modification de son contrat de travail, peu important la poursuite par lui du contrat de travail dans les nouvelles conditions (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-12.283 F-D).

REGLES DU CONTRAT INTERMITTENT

Le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui comporte notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail, la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes. Il en résulte que les dispositions de l’article L 3123-14 du Code du travail, qui prévoient que le contrat de travail à temps partiel précise la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail intermittent (Cass. soc. 30-9-2020 n°s 18-24.909 FS-PB et 18-24.911 FS-D).

CONVENTION DE FORFAIT IRREGULIERE ET HEURES SUPPLEMENTAIRES

En présence d’une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente. Lorsqu’il a été rémunéré sur la base du nombre d’heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière et au-delà de ce nombre, si le salarié ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois, il peut prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre (Cass. soc. 30-9-2020 n°s 18-26.795 F-D à 18-26.799 F-D).

MALADIE ET ANCIENNETE DANS LE CALCUL DU PREAVIS

La durée du préavis est de 2 mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à 2 ans, et en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, la période de suspension du contrat de travail pour maladie n’entre pas en compte pour la détermination de la durée d’ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions. Une cour d’appel ne saurait décider que les périodes de maladie doivent être incluses dans l’ancienneté pour le calcul du préavis au motif que, contrairement au Code du travail, la convention collective applicable n’exclut pas expressément ces périodes du calcul de l’ancienneté (Cass. soc. 30-9-2020 n° 18-18.265 FS-PB).

 

MODIFICATION DE CONTRAT ET LICENCIEMENT ECONOMIQUE

La proposition d’une modification du contrat de travail pour motif économique refusée par le salarié ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement préalable au licenciement économique et, par suite, de lui proposer éventuellement le même poste dans l’exécution de cette obligation (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-12.146 F-D).

CONSULTATION DES REPRESENTANTS DU PERSONNEL DANS LE CADRE D’UN RECLASSEMENT SUITE A UN ACCIDENT DU TRAVAIL

La méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les représentants du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-11.974 FS-PBI).

 

Le salarié ayant été déclaré inapte à l’issue d’une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, il appartenait à l’employeur de consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement avant d’engager la procédure de licenciement (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-16.488 F-PB).

PERMUTATION DE POSTE AU SEIN D’UN GIE

L’adhésion à un groupement d’intérêt économique n’entraînant pas en soi la constitution d’un groupe, et sans preuve que l’organisation du réseau auquel appartient l’employeur permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel, la cour d’appel a pu retenir que ces sociétés ne faisaient pas partie d’un même groupe de reclassement, et que l’employeur n’était pas tenu d’y rechercher un poste pour le reclassement du salarié inapte (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-13.122 FS-PB). 

DENONCIATION D’UN HARCELEMENT ET RECONNAISSANCE DE LA MAUVAISE FOI PAR LE JUGE

La mauvaise foi du salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral, qui peut être invoquée devant le juge même si l’employeur ne s’en est pas prévalu expressément dans la lettre de licenciement, peut se déduire de son comportement contradictoire.

Selon l’article L 1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Un licenciement prononcé sur ce fondement est dès lors nul.

S’appuyant sur ces dispositions, un salarié, engagé en qualité d’ingénieur d’études et licencié 4 ans plus tard, invoque la nullité de son licenciement, estimant qu’il est en lien avec le fait d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à son égard. Il n’obtient pas gain de cause devant la cour d’appel qui estime qu’il a agi avec mauvaise foi. La Cour de cassation est alors saisie.

La protection du salarié dénonçant des faits de harcèlement moral et mauvaise foi

De manière constante, la Haute Juridiction juge que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif. Seule la mauvaise foi met fin à cette immunité.

Cette mauvaise foi ne peut pas résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de cette mauvaise foi.

La mauvaise foi est caractérisée par l’attitude contradictoire du salarié

S’inscrivant dans la lignée de ces décisions, la chambre sociale de la Cour de cassation reprend ces principes dans son arrêt du 16 septembre 2020. Elle approuve la décision de la cour d’appel, qui a déduit de ses constatations la mauvaise foi du salarié, caractérisée par son attitude contradictoire et l’absence de concordance entre ses paroles et ses actes.

En effet, le salarié n’a pas fait preuve de loyauté puisque, d’un côté, il affirmait son ouverture au dialogue et son souhait d’obtenir des explications, et de l’autre, il manigançait pour se soustraire à toute rencontre ou réunion avec son employeur. Les accusations de harcèlement moral formulées procédaient donc, selon les juges du fond, d’une stratégie d’opposition systématique à l’employeur.

La mauvaise foi n’est pas nécessairement invoquée dans la lettre de licenciement

Le principal intérêt de l’arrêt est que la Cour de cassation décide que l’employeur peut reprocher au salarié sa mauvaise foi devant le juge même s’il ne l’a pas expressément invoquée dans la lettre de licenciement.

Le salarié, rappelant la jurisprudence constante de la Cour de cassation, aux termes de laquelle la lettre de licenciement fixe les limites du litige et soutenait en effet que l’employeur aurait dû respecter une exigence de qualification formelle de sa prétendue mauvaise foi.

L’argument est balayé par la Cour de cassation. Le salarié s’est en effet mépris sur la portée du principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La question de sa mauvaise foi était en effet dans le débat, puisque l’employeur reprochait notamment au salarié ses « accusations de harcèlement/dénigrement (…) graves, de surcroît sans fondement ni lien avec la réalité ». Il appartenait au juge de qualifier les faits invoqués. C’est ce qu’a fait la cour d’appel en retenant la mauvaise foi du salarié.

Cass. soc.16-9-2020 n° 18-26.696 F-PB

 

CLASSIFICATION ET MISSIONS DEMANDEES

Une salariée est engagée à compter du 5 avril 2004 en qualité d’opératrice mini-laboratoire, opérateur vendeur 3ème niveau coefficient 175, de la convention collective nationale de la photographie.
Elle est licenciée pour faute grave par lettre du 9 décembre 2014 pour notamment avoir refusé d’exécuter des prises de vue simples.

Contestant son licenciement, elle saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes d’indemnités de rupture. 

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, et casse et annule l’arrêt de celle-ci renvoyant les parties devant la cour d’appel de Rennes.

A cette occasion, elle indique que la salariée, engagée en qualité d’opératrice mini-laboratoire, avait refusé de réaliser des prises de vue simples autres que des photos d’identité ne relevant pas de sa qualification professionnelle d’opérateur vendeur filière magasin mais de celle de la photographie professionnelle, et qu’elle était en droit de refuser d’exécuter cette nouvelle tâche, sans encourir son licenciement pour faute grave.

Cour de cassation du 18 mars 2020, pourvoi n°18-21700

 

LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE POUR PROPOS DEGRADANTS A NATURE SEXUELLE

Le salarié est engagé en 2009.

Il est licencié pour faute grave en 2016, pour avoir tenu des propos dégradants, à caractère sexuel, à l’encontre d’une collègue de travail.

Il conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale. 

Dans un premier temps, la cour d’appel de Colmar par arrêt du 26 juin 2018 considère le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant à cette occasion son employeur au paiement de dommages et intérêts en mettant en avant l’ancienneté importante du salarié, 7 ans, considérant le licenciement apparaissait « en l’espèce disproportionné ».

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Colmar.

Pour cela, les juges indiquent que le salarié avait tenu à l’encontre d’une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel rendant impossible son maintien dans l’entreprise. Elle affirme que la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, ne saurait dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cour de cassation du 27 mai 2020, pourvoi n°19-11575

 

AIDE A L’EMBAUCHE DES PERSONNES HANDICAPEES

Le décret, publié au JO du 7 octobre 2020, instaure et définit les modalités d’une aide à l’embauche des travailleurs bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins 3 mois, pour une rémunération inférieure ou égale à 2 fois le salaire minimum horaire de croissance ;

L’aide s’applique aux embauches réalisées par une entreprise ou une association dans une période de 6 mois à compter du 1er septembre 2020 ;

Le montant de l’aide s’élève à au plus 4.000 € par salarié ;

Elle est versée à l’employeur par l’ASP (Agence de Services et de Paiement) pour le compte de l’Etat.

Conditions de versement ¶

Les employeurs peuvent demander le bénéfice d’une aide pour l’embauche d’un salarié bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé lorsque la rémunération telle que prévue au contrat de travail est inférieure ou égale à 2 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (soit une rémunération brute inférieure à 3.078,83 € pour un salarié exerçant son activité sur la base de la durée légale).

Conditions préalables

Le salarié est embauché en contrat de travail CDI ou en contrat CDD d’une durée d’au moins 3 mois entre le 1er septembre 2020 et le 28 février 2021.

L’employeur est à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l’égard de l’administration fiscale et des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d’assurance chômage, ou a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues. Par dérogation, pour les cotisations et contributions restant dues au titre de la période antérieure au 30 juin 2020, le plan d’apurement peut être souscrit dans les conditions et selon les modalités définies à l’article 65 de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 susvisée ;

L’employeur ne bénéficie pas d’une autre aide de l’Etat à l’insertion, à l’accès ou au retour à l’emploi versée au titre du salarié concerné sur la période et, depuis le 1er janvier 2020, n’a procédé à un licenciement pour motif économique sur le poste concerné par l’aide ;

Le salarié ne doit pas avoir appartenu aux effectifs de l’employeur à compter du 1er septembre 2020 au titre d’un contrat n’ayant pas ouvert droit au bénéfice de l’aide et il est maintenu dans les effectifs de l’employeur pendant au moins 3 mois à compter du 1er jour d’exécution du contrat. 

Le montant de l’aide est égal à 4.000 € au maximum pour un même salarié.et est versée à terme échu à un rythme trimestriel à raison de 1.000 € au maximum par trimestre dans la limite d’un an.et les demandes d’aides sont adressées auprès de l’ASP à compter du 4 janvier 2021. 

AIDE A L’EMBAUCHE DES JEUNES

Une aide sera octroyée aux employeurs afin de les inciter à embaucher des jeunes.

Elle permet de compenser les cotisations versées sur les nouveaux contrats d’au moins 3 mois, pour les jeunes de moins de 26 ans dont la rémunération ne dépasse pas 2 Smic.

Cette aide sera versée chaque trimestre pour un montant total de 4 000 euros maximum pour un an si l’employeurs souhaitant obtenir le bénéfice de l’aide remplit plusieurs conditions cumulatives :

  • le contrat de travail doit être conclu entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021, et doit être d’une durée de trois mois minimum
  • être à jour de ses obligations déclaratives et de paiement
  • ne pas bénéficier d’une autre aide de l’Etat relative à l’insertion, à l’accès ou au retour à l’emploi pour le salarié concerné
  • ne pas avoir procédé à un licenciement économique sur le poste concerné par l’aide

A compter du 1er octobre, les employeurs souhaitant bénéficier de cette aide pourront contacter l’Agence de services et de paiement (ASP) via un téléservice, dans les 4 mois suivants la date de début du contrat de travail, et joindre une attestation d’emploi du salarié.