INSPECTION DU TRAVAIL

Histoire vécue : Les visites promises par la Ministre du travail sont réellement effectives. Elles aboutissent à une lettre de demande d’explications sur la présence des salariés dans l’établissement et les raisons de l’impossibilité de les mettre en télétravail.

Comme les moyens de rétorsions sont très limités, l’inspecteur/contrôleur se rabat sur les contrôles plus classiques pour mettre en évidence des manques ou anomalies dans l’entreprise. 

 

JURISPRUDENCE

 Embauche

  • Le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Une cour d’appel ne saurait donc débouter un salarié de sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée alors qu’elle avait relevé que l’intéressé avait été recruté à compter du 22 janvier 2007 et qu’aucun contrat de travail à durée déterminée n’avait été produit pour cette période jusqu’au 16 août 2007 (Cass. soc. 8-4-2021 n° 19-21.368 F-D).

 Une nouvelle fois, la cour de Cassation réaffirme que le CDD doit être un contrat écrit et comporter un motif précis pour exister en tant que CDD. Faute de cela, il devient un CDI

Durée du travail

  • Ayant relevé que les deux heures intitulées « temps de pause hebdomadaire » figuraient sur les feuilles de temps pour la même durée quotidienne de 25 minutes du lundi au jeudi et de 20 minutes le vendredi, et augmentaient la durée du travail fixée au contrat de 40 heures à 42 heures par semaine sans qu’on sût à quel moment de la journée elles devaient être prises, la cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir que l’employeur n’établissait pas avoir mis la salariée en mesure de prendre ses temps de pause supplémentaires et constaté qu’il ne justifiait pas qu’elles avaient effectivement été prises, a pu retenir qu’elles devaient être qualifiées d’heures supplémentaires (Cass. soc. 8-4-2021 n° 19-22.700 F-D). 

Pas de retournement de jurisprudence en matière de preuve du temps de travail. Cet arrêt nous rappelle qu’il faut avoir la plus grande vigilance en matière de support de preuve du temps de travail.

Paie

  • Si l’employeur peut modifierles objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction, il lui appartient cependant de le faire en début d’exercice, et non en cours d’exécution alors qu’il prend connaissance de leur niveau d’exécution (Cass. soc. 8-4-2021 n° 19-15.432 F-D).

 

De manières constantes, la cour de cassation réaffirme que les règles du jeu dans le social s’exposent avant le commencement du jeu, pas en cours de partie.

Rupture du contrat

  • Une clause de non-concurrencen’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. Les demandes fondées sur une clause non délimitée dans l’espace se heurtant à l’existence d’une contestation sérieuse, sa méconnaissance ne constitue pas un trouble manifestement illicite permettant au juge des référés d’ordonner au salarié de cesser toute activité de concurrence professionnelle à son ancien employeur (Cass. soc. 8-4-2021 n° 19-22.097 F-D).

 

La clause de non concurrence est un outil protecteur mais très compliquer à mettre en œuvre. Au regard du coût de celle-ci, il est important de bien y réfléchir avant de l’imposer.

  • Si le plan de sauvegarde de l’emploi(PSE) ne peut pas s’appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié privé du bénéfice des dispositions du plan en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation. Ainsi, n’a pas donné de base à sa décision la cour d’appel qui a débouté un salarié de sa demande de dommages-intérêts compensatoire au titre de la privation du bénéfice des dispositifs prévus par le PSE de l’entreprise absorbante alors qu‘il résultait de ses constatations que le transfert de son contrat de travail était intervenu au moment où un PSE était en cours d’élaboration dans cette entreprise, de sorte que le salarié était concernée par le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à l’élaboration du plan, et n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si le licenciement avait privé l’intéressé du bénéfice d’une indemnité supra conventionnelle de licenciement et d’une aide spécifique à la création d’entreprise prévues dans ledit plan (Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-19.050 FS-P).

 

Une rupture de contrat établie pendant la procédure de mise en place d’un PSE donne la possibilité au salarié de réclamer en préjudice l’équivalent des mesures du PSE

 

 

  • Si la lettre de licenciement économiquedoit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l’article L 1233-3 du Code du travail et l’incidence matérielle de cette cause sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié, l’appréciation de l’existence du motif invoqué relève de la discussion devant le juge en cas de litige. Il en résulte que la lettre de licenciement mentionnant que le licenciement a pour motifs économiques la suppression de l’emploi du salarié consécutive à la réorganisation de l’entreprise justifiée par des difficultés économiques et/ou la nécessité de la sauvegarde de sa compétitivité répond aux exigences légales, sans qu’il soit nécessaire qu’elle précise le niveau d’appréciation de la cause économique quand l’entreprise appartient à un groupe. C’est seulement en cas de litige qu’il appartient à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué (Cass. soc. 14-4-2021 n° 18-12.660 F-D).

 

Arrêt intéressant de la cour qui permet de limiter les explications sur les difficultés économiques dans la lettre de licenciement, sachant que c’est au juge de décidé de la réalité des difficultés lors du procès sur les pièces présentées par l’employeur. On retrouve la même idée que dans la convocation à sanction ou c’est la définition de la convocation à entretien pour une sanction qui fait la valeur de la convocation et évite de définir le grief dès la convocation.

 

  • Aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction. Une cour d’appel ne peut donc pas dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse alors qu’elle a constaté que la procédure de licenciementavait été engagée 7 jours après la notification de la mise à pied et qu’elle n’avait retenu aucun motif de nature à justifier ce délai, en sorte que cette mesure présentait le caractère d’une sanction disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider à raison des mêmes faits le licenciement de l’intéressé (Cass. soc. 14-4-2021 n° 20-12.920 F-D).

 

Le fait de tarder à déclencher la procédure de licenciement après une mise à pied conservatoire fait de cette mise à pied une sanction et, comme il est interdit de sanctionner deux fois la même faute, rend le licenciement caduc.

 

Santé et sécurité

  • L’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieurn’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l’accident du travail (Cass. 2e 8-4-2021 n° 20-10.621 F-P).

 

La reconnaissance des séquelles faisant suite à d’un accident du travail peut se révéler être aussi une résurgence d’ancienne maladie.

 

  • Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle le particulier employeur est tenu envers l’employé de maison a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du CSS, lorsque cet employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis l’employé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. 2e 8-4-2021 n° 20-11.935 FS-P).

 

He oui, le particulier employeur doit aussi sécurité et santé à son employé. DANGER !

 

  • La convocation des représentants du personnel ayant été accompagnée d’informations sur la situation du salarié inapte, le poste qu’il occupait et la reconnaissance de maladies professionnelles et étant donné qu’il résultait du procès-verbal Avril de leur réunion qu’ils avaient été informés de la teneur des deux avis du médecin du travail ainsi que des réponses apportées par celui-ci aux propositions de reclassement formulées par l’employeur, la cour d’appel a pu décider qu’ils avaient ainsi été en possession de toutes les informations nécessaires leur permettant d’émettre un avis sur la possibilité ou non de reclasser le salarié (Cass. soc. 8-4-2021 n° 20-12.368 F-D).

 

La parfaite information de vos représentants du personnel dans le cadre d’une inaptitude vous protégera toujours.

 

  • Ayant constaté que l’employeur s’était borné à présenter au salarié inapte une liste de postes à pourvoir, ne répondant pas aux préconisations du médecin du travail, la cour d’appel a pu décider qu’il ne justifiait pas d’une recherche sérieuse et loyale de reclassement et que le licenciement de l’intéressé était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 8-4-2021 n° 20-10.986 F-D). 

La procédure de licenciement d’un salarié inapte requiert de suivre scrupuleusement et loyalement la procédure définie par la loi. Nous sommes dans l’ordre du médical et la législation a organisé une hyper-protection du salarié malade. 

 

Exécution du contrat

  • Si aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’est prévue dans le règlement intérieurd e l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, l’interdiction faite à une salariée de porter un foulard islamique caractérise l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée. En outre, l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l’article 4 § 1 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne. Dès lors, le licenciement de la salariée, prononcé au motif de son refus de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, est discriminatoire et doit être annulé (Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-24.079 FS-P). 

Une nouvelle fois, la cour de cassation fait reposer la validité d’une mesure sur sa présence dans le règlement intérieur. 

  • L’acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction (Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-12.180 FS-P). 

Dans le cadre d’une rétrogradation ou mutation sanction, le fait que le fautif signe son avenant ne lui retire pas le droit de contester la mesure ou la procédure devant les tribunaux. 

Représentation du personnel

  • Aux termes du Code du travail, le CSE peut faire appel à un expert dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle. 

Il en résulte, d’une part, que le CSE peut faire appel à un expert afin qu’il apporte aux organisations syndicales en charge des négociations prévues aux articles L 2242-1, 2°, et L 2242-17 du Code du travail, toute analyse utile dans le cadre de la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sans préjudice de l’application des articles L 2232-24, L 2232-25 et L 2232-26 du Code du travail relatifs aux modalités de négociation dans les entreprises d’au moins 50 salariés sans DS et, d’autre part, que la désignation de l’expert doit être faite en un temps utile à la négociation. Cette expertise peut être ordonnée quand bien même la négociation a commencé à être engagée.

 Dans cet arrêt, la cour précise que le recours à un expert peut se faire à n’importe quel moment de la négociation sur l’égalité hommes-femmes.

  • Le comité d’entreprise, lorsqu’il se fait assister d’un expert-comptable de son choix en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai de 2 mois. Il en résulte que ne sont plus recevables les demandes de communication par l’employeur de documents, formées en référé par l’expert pour l’exercice de sa mission, lorsque, à la date où le premier juge statue, le délai imparti au comité d’entreprise pour donner son avis a expiré (Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-11.753 F-D).

 Si le CSE dépasse les délais pour donner son avis, celui-ci ne peut plus réclamer de documents à l’employeur.

Négociation collective

  • Une convention ou un accord collectifs, s’ils manquent de clarté, doivent être interprétés comme la loi, c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte (Cass. soc. 14-4-2021 n° 20-16.548 F-D et n° 19-26.340 F-D).

 Par cette décision la cour donne aux commissions paritaires des conventions collectives la clé d’entrée pour l’interprétation des textes qu’elles éditent en prenant en compte la finalité de la mesure.